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Bouddhisme de Nichiren et le Sutra du Lotus
Comment être bouddhiste

Ryuei Michael McCormick


Je pense avoir écrit cela en avril 2006 mais je n’en suis pas certain. Il se peut que ce fût un peu plus tôt. J’ai décidé de laisser le texte tel quel, bien que mes conceptions aient changé depuis lors. Je n’identifie plus la nature de bouddha (nature de bouddha (bussho, buddha-dhatu) avec les graines de bodhéité. C’est daimoku qui correspond aux graines de bodhéité et la nature de bouddha qui correspond au champ recevant ces graines. Et c’est la fécondité d’une vie qui révèle les qualités de bodhéité d’un pratiquant. On peut aussi dire que le Dharma Merveilleux de la Fleur du Lotus est la véritable nature de toutes les manifestations de la réalité, et que notre joie et notre adhésion au Dharma Merveilleux sont la véritable nature de la réalité telle que nous pouvons la percevoir. Au moment où nous entendons et acceptons ce Dharma, les graines des bienfaits de l’Éveil du Bouddha Atemporel ainsi que le sol fertile de notre propre nature de bouddha, rendent possible l’éclosion de la bodhéité en tant qu’expression de nos propres vertus, de notre sérénité et de notre sagesse. Je pense que cette approche dialectique est plus conforme, non seulement aux idées de Nichiren, mais également aux enseignements fondamentaux sur l’interdépendance et la non-dualité, car il ne peut pas y avoir d’éveil univoque venu de l’intérieur pas plus que d’éveil univoque venu de l’extérieur.

Parlons tout d’abord des Trois Trésors, car c’est en eux que nous prenons refuge. L’idée même de prise de refuge est la constatation que notre vie ordinaire est pleine d’anxiété, de frustrations ou carrément de souffrances. La question est de savoir si la vie peut nous donner  une réponse en ce qui concerne la sécurité et le bonheur. On peut même se demander si la vie a un sens quelconque. Le plus terrible, d’après moi, serait de baisser les bras et de s’abîmer dans la conviction que la vie est juste un accident,  fait d’évènements et d’interactions aveugles et cruels, de vagues et de particules dépourvues de signification. C’est à partir de là que nous pouvons commencer notre interrogation sincère sur le sens de la vie. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je ? A quoi sert tout cela ? Avec un peu de chance certains rencontreront alors les Trois trésors : le Bouddha, le Dharma et le Sangha.

Avec le Bouddha nous découvrons qu’il est possible de s’éveiller à la réalité de la vie. La vie de Shakyamuni montre que l’on peut résoudre ces doutes existentiels sans le secours d’une foi aveugle et/ou la soumission inconditionnelle à des rites, des cérémonies, dogmes et règles d’une institution, ce qui n’est, en définitive, qu’une façon de déplacer le problème. Shakyamuni nous offre un exemple archétypique de sagesse et de compassion humaines.  En prenant refuge en lui, nous prenons refuge dans la possibilité de notre propre Éveil. Pour ceux qui adhèrent aux enseignements du Dharma Merveilleux de la Fleur du Lotus, il est bon de rappeler que le Bouddha Shakyamuni n’est pas une réalité venue d’un autre monde, un quelconque idéal abstrait ou un guru décédé depuis longtemps. C’est la réalité même de nos vies.

Avec le Dharma nous trouvons un enseignement permettant de couper les illusions et les entraves karmiques qui nous empêchent de nous éveiller. Le Dharma est l’intuition, en dehors de l’espace et du temps, de ce qu’est la véritable réalité de toute existence. Cette vision des choses est  au-delà des mots et n’a d’autre réalité qu’elle même. Comme il est dit dans le Sutra du Cœur : « La forme est vacuité et la vacuité est la forme ». Grace aux mots et phrases des sutras que la tradition fait remonter au Bouddha, nous recherchons cette Ultime réalité dans une voie dépourvue d’abstractions, d’autoréférences et de l’immédiat, et nous nous tournons vers un enseignement atemporel hors de l’espace, qui nous fait nous réjouir encore plus du Dharma.  Ceux d’entre nous qui pratiquent   Namu Myoho Renge Kyo (Hommage au  Sutra du Dharma Merveilleux de la Fleur du Lotus) se ressourcent dans tous les sutras aussi bien que dans l’inégalable Dharma Merveilleux, car nous sommes capables de nous réjouir de la véritable intention de tous les sutras tout autant que dans l’adhésion pure au Dharma ineffable lors de la récitation du titre (daimoku) du Sutra du Lotus : Namu Myoho Renge Kyo.  

Avec le Sangha nous rejoignons une communauté qui stimule et fait progresser ceux qui se consacrent à la Voie.  Le sangha local est une structure de base à travers laquelle nous pouvons rejoindre la communauté de tous les êtres. Sans Sangha nous sommes comme des plantes déracinées, manquant de la terre fertile dont elles ont besoin pour se développer. Plus concrètement, le cheminement de compassion d’une personne est celui de son engagement face à ses semblables. Certes, il n’y a pas de sangha parfait et les moments de solitude et de réflexion sont indispensables, mais il est tout autant indispensables de rester en contact avec les autres pour la pratique et l’entraide. De plus, ceux qui récitent Namu Myoho Renge Kyo peuvent percevoir leur aspect de bodhisattvas Surgis-de-Terre œuvrant  ensemble en tant que disciples primordiaux du Bouddha Shakyamuni. Le Sutra nous enseigne que cela se fait par la transformation de notre vie ordinaire, en créant la Terre de Bouddha, là où nous sommes. La transformation de notre vie quotidienne prend sa source dans notre désir d’Éveil qui nourrit notre confiance et notre motivation pour pratiquer et étudier le Dharma Merveilleux

Le Triple entrainement : sila (conduite éthique), samadhi* (concentration), prajna (sagesse), résume d’une certaine manière l’Octuple Noble Chemin. Grace à l’éthique on peut acquérir l’intégrité et la fermeté. La méditation mène à la vision profonde,  à la concentration et à la clairvoyance, tant dans la pratique bouddhique que dans la vie quotidienne. La sagesse permet de voir les choses telles qu’elles sont, non-substantielles et merveilleuses. C’est par ces trois « entrainements » que l’on développe sa confiance dans les Trois Trésors.  Le Bouddha devient réalité, le Dharma s’intègre à la vie et le Sangha sert de terrain pour nos efforts.  Lorsqu’une personne fait confiance aux Trois Trésors et cherche à réaliser sa nature de bouddha, le triple entrainement commence à se manifester sous forme de facteurs caractéristiques d’un certain mode de vie.  On pourrait dire que la nature de bouddha, à partir du moment où nous en devenons conscients, est cette graine dont les fleurs s’épanouissent sous forme de triple entrainement. Pour ceux qui récitent Namu Myoho Renge Kyo la pratique consiste à découvrir et cultiver cette graine, c’est la joie née de son développement. C’est pourquoi Namu Myoho Renge Kyo ne devrait jamais devenir un rituel de requête au Dharma mais être l’expression de notre totale confiance et l’accueil joyeux du Dharma Merveilleux en tant que lumière infinie, vie et nature de bouddha.

SUITE : Les Trois refuges et le Triple Entrainement
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